Matteo Renzi: paroles, paroles, paroles?

04 JUILLET 2014

20140702 Parlement Europeen II 43Bruxelles a succombĂ©, sans beaucoup de rĂ©sistance, Ă  la renzimania. Le jeune prĂ©sident du Conseil italien (39 ans), par la puissance de son verbe enthousiaste et ses propositions iconoclastes, a ramenĂ© en quelques mois son pays au centre du jeu europĂ©en, rompant avec l’isolement des dĂ©sastreuses annĂ©es Berlusconi. Â«Matteo Renzi a le sens du rĂ©cit europĂ©en, il sait trouver les mots justes», reconnaĂ®t, admiratif, Pierre Moscovici, l’ancien ministre des Finances français, qui espère dĂ©crocher un poste de commissaire europĂ©en. La large victoire de l’ancien maire de Florence aux Ă©lections europĂ©ennes (plus de 40% des voix) n’a fait que renforcer sa position. Il a montrĂ© que l’on pouvait gagner contre les europhobes en assumant son rĂ©formisme de gauche et son fĂ©dĂ©ralisme europĂ©en.

Ainsi, pour marquer le dĂ©but de la prĂ©sidence italienne de l’Union, mardi, Renzi a postĂ© un plaidoyer fĂ©dĂ©raliste que l’on n’est pas près de voir sous la plume du très frileux François Hollande : Â«Ne ressentez-vous pas un frisson Ă  l’idĂ©e que nous pouvons rĂ©aliser ce rĂŞve des Etats-Unis d’Europe, fait par cette gĂ©nĂ©ration qui, sur les dĂ©combres de l’après-guerre, amorça la crĂ©ation d’une nouvelle entitĂ© ?»

Pour le prĂ©sident du Conseil italien, la crise que l’Europe traverse est autant politique qu’économique, la logique comptable et austĂ©ritaire dans laquelle elle s’est enfermĂ©e l’ayant Ă©loignĂ©e des peuples : Â«Si aujourd’hui l’Union faisait un selfie, quel visage verrait-on sur l’écran ? Celui de la fatigue, de la rĂ©signation, de l’ennui», a-t-il lancĂ©, mercredi, devant le Parlement europĂ©en rĂ©uni Ă  Strasbourg. Â«Il faut retrouver l’âme de l’Europe, le savoir-vivre-ensemble et pas seulement unir nos bureaucraties. Ça, l’Italie s’y connaĂ®t et elle n’a pas besoin de l’Europe», a-t-il plaisantĂ©. Cette perte de sens est, selon celui qui n’était Â«mĂŞme pas majeur au moment de Maastricht», largement responsable de la percĂ©e des europhobes. Et d’appeler les politiques Ă  cesser «l’eurobashing» : Â«On a gagnĂ© [nos Ă©lections] en ne disant pas que nos problèmes viennent de l’Europe, mais de l’Italie elle-mĂŞme.» 
Ce sens de la formule fait Ă©videmment mouche après les dix ans de prĂ©sence de JosĂ© Manuel DurĂŁo Barroso Ă  la tĂŞte de la Commission et l’eurotiĂ©deur de la plupart des dirigeants europĂ©ens. Â«Il ne faut pas surestimer son discours : en Italie, il y a une tradition fĂ©dĂ©raliste affirmĂ©e qui a Ă©tĂ© occultĂ©e par vingt ans de Berlusconi. Giorgio Napolitano, le prĂ©sident de la RĂ©publique, ou son prĂ©dĂ©cesseur, Enrico Letta, ne disent pas autre chose», tempère Sylvie Goulard, dĂ©putĂ©e europĂ©enne (Modem, libĂ©rale) et fine connaisseuse de l’Italie. MĂŞme s’il insiste sur la nĂ©cessitĂ© de sortir du tout-Ă©conomique, Renzi n’oublie nullement le sujet : sans diminution du chĂ´mage, il sera impossible de Â«rĂ©enchanter le rĂŞve europĂ©en».
Il demande donc, tout comme le chef de l’Etat français, une Â«rĂ©orientation» de l’Union, afin qu’elle rompe avec les politiques austĂ©ritaires mises en place sous la pression allemande, pour rĂ©pondre Ă  la crise de la zone euro. Mais Ă  la diffĂ©rence de François Hollande, son budget est Ă  l’équilibre, ce qui lui donne des marges de manĹ“uvre dont la France est privĂ©e. Le problème italien, c’est la dette (plus de 2 000 milliards d’euros) qui ne pourra pas ĂŞtre rĂ©duite sans une croissance forte. D’oĂą ses appels Ă  desserrer les cordons du Pacte de stabilitĂ©.
Mais, lĂ  aussi, Renzi n’a pas Ă©tĂ© très clair sur ce qu’il voulait. Après avoir semblĂ© demander une rĂ©Ă©criture du Pacte afin d’exclure les investissements du calcul du dĂ©ficit public, il a rĂ©tropĂ©dalĂ© lorsqu’il a pris conscience de l’opposition allemande : Â«Nous ne voulons absolument pas changer les règles du Pacte de stabilité», a-t-il proclamĂ© mercredi Ă  Strasbourg, mais utiliser toutes les marges de flexibilitĂ© qu’il permet. Cependant, Rome n’abandonne pas l’idĂ©e de se donner de l’air par un autre moyen, par exemple en crĂ©ant une dette europĂ©enne (via l’émission d’eurobonds), destinĂ©e Ă  financer des investissements, une idĂ©e qui fait figure d’épouvantail Ă  Berlin et que Renzi s’est bien gardĂ© de dĂ©fendre Ă  Strasbourg.
Au final, le principal mérite du jeune Premier ministre italien est de redonner du souffle au débat européen. Car, concrètement, pour l’instant, il n’a rien obtenu. Enfin, pas tout à fait : il a réussi à placer ses proches aux postes clés. Il a ainsi décroché la présidence du groupe socialiste du Parlement européen pour Gianni Pittella, ainsi que la présidence de la très importante commission des affaires économiques et monétaires. De même, il cherche à obtenir le ministère des Affaires étrangères de l’Union pour sa propre chef de la diplomatie, Federica Mogherini. Une politique de placement qui fait aussi partie du retour de l’Italie sur la scène européenne.
N.B.: Article paru dans LibĂ©ration du 3 juillet

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